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POLLUTION DE L'AIR
Le diesel
connaît un succès croissant en dépit des risques sanitaires liés a ses particules
La meilleure connaissance
des risques sanitaires liés à l'utilisation du diesel n'empêche pas ce type
de moteur de remporter un succès croissant. Le taux de motorisation diesel
en Europe en 2000 était de 32,8 %, contre 20 % en 1993, et il pourrait atteindre
42 % en 2005, selon l'Observatoire de l'automobile.
La France est l'un
des plus grands consommateurs de diesel, avec 49 % des immatriculations (44
% en 1999, 33 % en 1990). Les voitures diesel représentent ainsi 33,7% des
9,26 millions de véhicules en circulation en France (chiffre 1999), contre
16 % en 1990. Les risques demeurent pourtant.
L'Institut national
de l'environnement industriel et des risques (Ineris) avait ainsi confié au
docteur Sylvie Tissot le soin de réaliser un suivi et une synthèse bibliographique
sur la toxicité des particules émises par la circulation automobile, à partir
des articles scientifiques publiés jusqu'en 1999. Le rapport définitif est
consultable sur le site de l'Ineris (www.ineris.fr).
Les risques toxiques
liés aux émissions diesel sont dus à leurs caractéristiques physiques et chimiques.
Le mélange air-gazole brûlé produit, d'une part, des particules solides très
riches en carbone et, d'autre part, différents composés volatils : monoxyde
de carbone (CO), oxydes d'azote (NO, NO²), dioxyde de soufre (SO²) et hydrocarbures
aromatiques polycycliques (HAP). Les particules diesel retrouvées dans l'atmosphère
sont de petite taille [de l'ordre du micron (un millième de millimètre)] et
agrégées en grappes, sur lesquelles viennent se fixer, notamment, les HAP.
En raison de leur petite dimension, les particules peuvent atteindre les petites
bronches et le tissu pulmonaire. "Ainsi,
explique le rapport, les particules diesel constituent un véhicule aérodynamique
qui délivre au plus profond de l'arbre respiratoire les composés absorbés
à leur surface. "
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Les
effets non cancérigènes.
" Une augmentation des admissions hospitalières pour crises d'asthme est
observée lors de forts pics de pollution, et ceci indépendamment des conditions
climatiques ", rappelle Sylvie Tissot. L'asthme allergique se développe
chez les personnes professionnellement exposées, par exemple les conducteurs
de locomotives diesel, y compris chez celles qui ne sont pas fumeuses
et n'ont jamais souffert de maladies respiratoires allergiques. De même,
il existe chez les enfants de 3 ans à 12 ans une corrélation entre des
teneurs élevées en N0² et en particules suspendues dans l'air et une augmentation
des crises d'asthme. En outre, des volontaires sains livrés à une exposition
aiguë d'émanations diesel ont eu des "irritations nasales et oculaires
réversibles, ainsi qu'une diminution transitoire de la capacité ventilatoire
pulmonaire".
Sur le plan dermatologique,
les particules diesel auraient "une action directe sur l'intégrité cutanée"
et pourraient jouer un rôle dans les mécanismes déclencheurs de "troubles
cutanés inflammatoires tels que l'eczéma, la dermatite allergique ou le
psoriasis ". Elles sont également suspectées d'amplifier les affections
cardio-vasculaires chez des sujets prédisposés.
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Les
effets cancérigènes.
Sylvie Tissot cite une étude de 1998 qui indique que " des individus professionnellement
exposés, non fumeurs, présentent un risque de cancer pulmonaire dix fois
supérieur à celui d'individus non exposés. " Par ailleurs, une publication
passant en revue 47 études épidémiologiques " indique qu'il existe une
corrélation entre la survenue d'une tumeur pulmonaire et l'exposition
aux émanations diesel, mais que cette corrélation est beaucoup moins importante
qu'entre ce même cancer et le tabagisme. "
Néanmoins, en matière de cancérogenèse, il est difficile de mettre en
évidence un effet-seuil, une valeur en deçà de laquelle il n'y a pas de
risque de cancer et au-delà de laquelle un cancer surviendrait. Des études
ponctuelles chez des personnes particulièrement exposées ont permis de
constater une accumulation dans l'organisme de plusieurs résidus d'émissions
de moteur (essentiellement les hydrocarbures aromatiques polycycliques,
leurs dérivés et le benzène). "Le pouvoir carcinogène des particules diesel
semble en grande partie lié à ces HAP, nitro-HAP et résidus benzéniques"
fixés à la surface des particules, écrit Sylvie Tissot, qui ajoute : "Une
telle constatation permet de légitimement suspecter un risque accru de
tumeurs directement liées à l'environnement chez ces catégories de personnes.
"
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Paul Benkimoun (Le Monde)