LES DAUPHINS SONT CONTAMINÉS PAR LES DIOXINES
Le CNIID a fait analyser des dauphins échoués sur les côtes Atlantique. Les résultats montrent pour la première fois en France que les dauphins sont contaminés par les dioxines.
Les échantillons ont été prélevés dans la couche graisseuse de trois adultes mâle et femelle de dauphins communs Delphinus delphis (1). En tout et pour tout, ce sont plus de 20 produits industriels toxiques qui ont été trouvés dans ces dauphins. Ces analyses s’inscrivent dans le cadre de la campagne menée par le CNIID et le MDRGF (2) sur ces toxiques qui sont produits par des industries comme celle de l’incinération des déchets, se bioaccumulent et sont hautement toxiques (3). Les dauphins se trouvent en bout de chaîne alimentaire, ont un corps de petite taille et stockent ces produits principalement dans leur couche graisseuse où ils sont difficilement dégradés.
HUILES TOXIQUES
Les dauphins sont donc particulièrement exposés à ces produits connus des scientifiques pour être des perturbateurs des systèmes immunitaire, endocrinien et reproducteur. Ces résultats montrent que les PCBs, des huiles industrielles toxiques, sont également présents dans ces dauphins. Or, il a été montré que ces mammifères ont une faible capacité à dégrader les PCBs. La grande majorité de ces Polluants organiques persistants, ou POPs, sont stockés par la mère et se transmettent aux petits durant la gestation et l’allaitement, ce qui fragilise l’espèce entière. Des cas d’épidémies de virus parmi les populations de dauphins ont été observés au début des années 90. Les animaux touchés avaient des taux en PCB plus importants que les animaux sains (4).
Le fait est que ces polluants n’ont pas leur place dans des dauphins. Nous ne pouvons accepter que des produits chimiques dangereux volontairement fabriqués ou rejetés par certains procédés industriels soient présents dans ces animaux symboles de pureté et de liberté au risque d’altérer leur reproduction et donc leur survie. L’homme, qui se trouve souvent en fin de chaîne alimentaire, met également sa propre santé en danger. Etant donné que ce phénomène de contamination touche toute la planète, il est nécessaire d’agir de manière globale.
LÉGIFÉRER AU NIVEAU INTERNATIONAL
Les gouvernements du monde entier se sont rassemblés à Johannesburg, en Afrique du Sud, le 4 décembre pour le dernier round de négociations sur un traité environnemental international. Le CNIID était sur place, ainsi que des dizaines d’autres associations écologistes du monde entier afin de faire en sorte que l’élimination à terme et pas seulement la réduction de tous les POPs, soit adoptée.
A la fin d’une semaine marathon, et après un dernier sprint d’un jour et une nuit de négociations non-stop, c’est peu après 8 h du matin, le 10 décembre 2000, qu’un nouveau traité international est né. Négocié dans le cadre du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), ce traité sur les Polluants organiques persistants permettra, pour la première fois dans l’histoire, l’élimination ou la réduction drastique de l’utilisation et de la production de cette famille de produits chimiques dangereux.
Les POPs sont toxiques, persistants, résistent aux mécanismes de dégradation du corps et de l’environnement, s’accumulent dans les graisses, passent de la mère au fœtus et peuvent voyager sur de longues distances. Ils représentent donc une menace pour notre santé. Le CNIID et le MDRGF ont participé activement à ces négociations, en partenariat avec le réseau IPEN, International POPs Elimination Network, qui rassemble 300 associations à travers le monde. IPEN a servi aux échanges d’informations, à la sensibilisation du public, et à la mise en place de stratégies d’actions auprès des différents gouvernements pour l’obtention d’un traité efficace.
Le traité définitif appelle les Parties à interdire et/ou prendre les mesures nécessaires pour éliminer la production et l’utilisation des PCBs et des pesticides de la liste à l’exception du DDT. Ce dernier doit voir sa production et son utilisation restreintes. Le but d’élimination à terme est présent et assure que l’insecticide sera temporairement utilisé pour le contrôle du vecteur de la malaria.
LES DIOXINES PRISES EN COMPTE
Le traité appelle à la recherche, au développement et à l’implantation d’alternatives au DDT sures, efficaces et abordables. Il demande également aux Parties de prendre des mesures pour réduire continuellement les rejets totaux de sources anthropogéniques en dioxines et autres POPs non intentionnels tels que les furanes et les hexachlorobenzènes avec, lorsque cela est faisable, le but d’élimination. Le texte stipule qu’il s’agit également de « promouvoir le développement où cela est approprié de matériels de substitution, et de produits et procédés visant à prévenir la formation et les émissions de POPs rejetés involontairement ».
Un langage de précaution, violemment combattu par l’industrie et certaines délégations comme le Canada, a pu être placé à plusieurs endroits dans le traité. Ainsi, il est inscrit qu’« en gardant à l’esprit l’approche de précaution telle que définie dans le principe 15 de la Déclaration de Rio, l’objectif de cette Convention est de protéger des POPs la santé humaine et l'environnement ».
Ce principe sera également à considérer pour l’ajout de nouveaux POPs à la liste et pour la détermination des « meilleures techniques disponibles ». Les stocks, les produits et articles en cours d’utilisation et les déchets contenant ou contaminés par des POPs, préalablement identifiés, doivent être « traités de façon à ce que le contenu en Polluants organiques persistants soit détruit ou irréversiblement transformé afin qu’il ne présente plus les caractéristiques de POPs ».
Le traité exige que les pays développés « fournissent de nouvelles ressources financières » aux pays en voie de développement et à ceux à économie en transition. La Conférence des Parties (COP) se réunira à intervalles réguliers et évaluera l’efficacité du mécanisme financier. Le Fonds pour l’environne- ment mondial (FEM) constituera provisoirement l’élément principal du mécanisme financier du traité, en attendant sa version définitive.
La Convention n’autorise le commerce des chimiques POPs que dans des conditions limitées. L’allusion aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) n’est faite que dans le préambule, alors qu’elle constituait un article à part entière avant les négociations. Le texte offre trois exemptions générales dont l’utilisation d’un POP en laboratoire de recherche. Les autres exemptions sont spécifiques, par pays, comme par exemple l’utilisation du Mirex, un fongicide pour le bois, en Chine. Le CNIID et le MDRGF, tout comme le réseau IPEN, sont satisfaits de ce texte : il n’est pas parfait, mais il nous offre une fantastique plate-forme pour la mise hors-la-loi d’autres toxiques industriels.
DES MOTS… À LA RÉALITÉ
Face aux Etats-Unis, l’Europe, présidée par la France, a su soutenir fermement sa position en faveur d’un traité efficace pour la protection de la nature et de notre santé. Il s’agit maintenant de faire en sorte que la signature, prévue en mai, et la mise en place du traité soient réalisées dans les meilleures conditions possible. Une première pierre est posée, mais il reste beaucoup de travail afin que les mots déposés dans ce traité se transforment en réalité. Le CNIID mettra tout en œuvre pour assister aux prochaines réunions et influer positivement sur les futures négociations.
Gaëlle Ecobichon, du CNIID, a participé aux négociations des Nations Unies sur les POPs à Johannesburg, en Afrique du Sud.
(1) Les échantillons ont été fournis par le Centre de recherche sur les mammifères marins de La Rochelle.
(2) Mouvement pour le droit et le respect des générations futures.
(3) Les analyses ont été réalisées dans l'un des meilleurs laboratoires mondiaux dans ce domaine, Ergo Forschung, à Hambourg. Les résultats chiffrés sont disponibles sur simple demande.
(4) Abnormally high PCB levels in striped dolphins affected by the 1990-1992 Mediterranean epizootic, A. Aguilar, A. Borrell, The science of the total environment 154, 1994.
CNIID Infos N° 7 / 1er trim. 2001
Edité par le Centre national
d’information indépendante sur les déchets (CNIID), 51 rue du Fbg St-Antoine,
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Directeur de la publication : Pierre-Emmanuel Neurohr.
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