SUISSE
Transport des marchandises par le rail

Beaucoup moins polluant, beaucoup moins dangereux que la route: le rail a de l'avenir en Europe. Les Suisses y croient.

Ce que le peuple veut, le gouvernement le fait. La Suisse s'est livrée à un bel exercice de démocratie. Inquiets des effets de la pollution croissante, les Suisses se sont mobilisés pour imposer au gouvernement une politique donnant la priorité au respect de l'environnement.

Dans les Alpes, en dix ans, le transport routier des marchandises avait doublé. Il ne cesse d'augmenter, multipliant la pollution, le bruit, les risques d'accident, l'encombrement des routes, ralentissant les échanges entre les cantons alliés composant la Suisse. Il accélère aussi le réchauffement de la Terre. Dans nos pays européens, les transports routiers sont la principale cause de l'effet de serre.

Harmoniser les prix entre le rail et la route

En 1994, contre l'avis du gouvernement, les Suisses votent pour l'initiative écologique sur la protection des Alpes (1). Ils demandent que, dès 2004, les transports de marchandises s'effectuent par le rail. Cette orientation s'est inscrite dans la Constitution, sans date butoir. Ce fut un électrochoc européen ", se souvient David Demicheli, de l'Office fédéral des transports (OFT). Par cette initiative, la Suisse fermait-elle ses frontières? Les pays européens étaient inquiets.

Le gouvernement suisse, tenant compte de la volonté du peuple et du droit de circuler librement, réoriente sa politique: "Afin que l'homme et la nature puissent supporter cette charge, les transports publics doivent être renforcés au détriment du trafic individuel... Il faut transférer sur le rail la plus grande part possible du transport routier des marchandises". En 2008, 60000 camions devraient emprunter les routes suisses, soit deux fois moins qu'aujourd'hui. Pour y parvenir, il faut "rendre le rail plus attirant que la route en pratiquant la vérité des coûts et en améliorant les chemins de fer", explique Rolf Zimmermann, représentant de l'OFT.

Transporter des marchandises par la route coûte beaucoup moins cher que par le rail: " La différence est énorme, souligne Francesco Crivelli, de la société de transport par rail Hupac. S'il n'y a pas une harmonisation des prix, la route gagnera toujours. " Le transport routier coûte pourtant beaucoup plus cher qu'il n'y parait, remarque Rolf Zimmermann, si l'on prend en compte le coût humain, économique et écologique des accidents, le coût de la pollution, celui des autoroutes spécialement renforcées pour permettre, le passage des camions lourds et nombreux... Les Suisses ont donc instauré la redevance poids lourds.

Approuvée par le peuple, elle est entrée en vigueur en janvier. Elle touche les camions de plus de 3,5 tonnes en fonction de leur degré de pollution, du nombre de kilomètres parcourus en Suisse et de leur poids. Ses recettes financeront 55% de la nouvelle politique des transports, estimée à 30 milliards de FS visant à faire de la Suisse la "plate-forme du transport européen". Pour encourager les transporteurs à emprunter le rail, la Confédération verse des subventions à ceux qui l'utilisent.

Mais cela ne suffit pas. Il faut réformer les chemins de fer, poursuit Rolf Zimmermann, "en séparant les tâches politiques des tâches de gestion", la Suisse restant propriétaire des voies de chemins de fer. " Il faut aussi améliorer leur productivité de 5% par an, réduire les temps de parcours et de correspondance, permettre un libre accès au marché et construire de nouvelles lignes ferroviaires à travers les Alpes afin de pouvoir absorber le trafic qui va doubler dans les 10 à 15 ans qui viennent" Le peuple suisse a su se mobiliser. Sa détermination est le plus grand appui du gouvernement. C'est un signal lancé aux Européens leur rappelant qu'il est temps de se rassembler et d'agir pour prendre soin de la Terre sur laquelle nous ne faisons que passer

Jeanne Emmanuelle HUTIN. (vu dans Ouest- France)

 

(1) En Suisse, la démocratie directe est pratiquée. Si une initiative recueille un nombre suffisant de signatures, les habitants du pays ou des cantons vont voter pour l'accepter ou la refuser.

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