Prix des carburants

L'amère leçon d'un conflit

par Marie-José Nicoli, présidente de l'UFC-Que Choisir ?
(article toujours valable en 2006, 3 ans après)

 

Au prix de concessions financières, le gouvernement a ramené le calme auprès de certaines catégories socioprofessionnelles. Mais quelque peu dupé les consommateurs. La dernière révolte des transporteurs-routiers, des agriculteurs, des marins-pêcheurs et des taxis l'a une fois de plus rappelé : seule l'épreuve de force paie auprès des pouvoirs publics et des politiques. Un comportement qui, tôt ou tard, va obliger les consommateurs à revoir leur stratégie.

Ces derniers sont en effet une fois encore les dindons de la crise des carburants qui vient de secouer notre pays. Non seulement, ils continuent de payer au prix fort l'augmentation du coût de l'essence et du fioul domestique, mais ils servent aussi régulièrement d'otages au moindre arrêt de travail. Et, finalement, ce sont eux qui, comme toujours, vont régler la note des avantages accordés aux professionnels.

Ce conflit a mis en évidence que, pour des millions de Français, la voiture est devenue un outil indispensable. Et ce sont les plus modestes qui, devant travailler loin de leur lieu d'habitation, dans des zones mal ou pas du tout desservies par les transports publics, sont les premiers pénalisés par le développement insuffisant des moyens de transport alternatifs, propres et adaptés.

Autre évidence: les plus touchés ne sont pas les mieux écoutés et la défense des intérêts catégoriels n'est pas synonyme de l'intérêt général. Dans notre société moderne, le rôle joué par les voitures et les camions est rarement évoqué à sa juste valeur, que ce soit en coût social, humain ou environnemental. Aux accidents de la route, une étude scientifique internationale vient d'ajouter, pour la France, environ 18 000 décès par an dus à la pollution automobile. Quant à la pollution environnementale, due aux voitures, chacun aujourd'hui peut la mesurer.

Il est par ailleurs temps d'en finir avec le manque de transparence dans la fixation du prix de l'essence, dans l'organisation des ententes des pétroliers et dans l'application des taxes "pollueurs/payeurs". Les recettes importantes de l'État générées par les taxes sur l'essence (quatrième recette budgétaire) devraient servir en tout premier lieu à tout cela. Faudra-t-il, pour que I'UFC-Que Choisir se fasse entendre avec la même bienveillance et la même diligence que les revendications musclées des professionnels, qu'elle se lance dans des opérations de boycott spectaculaires et dures chaque fois qu'une décision des pouvoirs publics ou des professionnels lui semblera de nature à mettre en péril la sécurité et le pouvoir d'achat des consommateurs ?