Depuis le début de l’année 2001, la Suisse a mis en place une taxe au kilomètre touchant tous les poids lourds roulant sur son territoire. Cette mise en pratique d’un instrument qui avait déjà été abondamment étudié sur le plan théorique intéresse d’autres pays européens qui envisage de l’adopter également.
C’est un système innovant et qui peut être appelé à se généraliser au niveau de l’Union européenne, en Allemagne et en Autriche dans un premier temps.
Elle a été approuvée par les citoyens suisses (à 57 %) lors d'une votation
de 1998.
Elle a commencé à fonctionner le 1er janvier 2001. Elle remplace une
taxe forfaitaire existant antérieurement.
Administration fédérale des douanes
Sont soumis à cette taxe les poids lourds de poids total supérieur à 3,5 tonnes. Certains véhicules sont soumis à une redevance forfaitaire (autocars, véhicules servant d’habitation). D’autres sont entièrement exonérés de la redevance (véhicules militaires, agricoles, transports publics, etc.).
Jusqu’en 2001, les poids lourds de plus 28 tonnes étaient interdits en Suisse. Cette limite est passée à 34 tonnes en 2001 et passera en 2005 à 40 tonnes, limite en vigueur dans l’Union européenne.
Elle se calcule en fonction de trois critères :
Pour calculer la redevance due par un camion donné, on multiplie la distance parcourue en Suisse (en kilomètres) par le poids du véhicule (en tonnes) puis par le taux de la redevance. Les taux sont au nombre de trois : le premier s’applique aux véhicules de norme Euro 0, le deuxième à ceux de norme Euro I et le dernier à ceux de norme Euro II et III.
Les parcours initiaux et terminaux du transport combiné sont exemptés de cette redevance.
Le tarif dépend du poids du véhicule et de ses émissions (plus précisément
des normes Euro auxquelles il satisfait). Tout poids lourd de plus de 3,5
tonnes paie, par tonne.kilomètre, entre 1,42 centime suisse (0,009 €) (norme
Euro II et III) et 2 centimes (0,013 €) (Euro 0). En 2005, le tarif moyen
passera à 2,5 centimes (0,016 €) et en 2008 à 2,75 centimes (0,019 €).
Taux de la redevance (en €/t.km) |
Période |
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2001-2004 |
2005-2007 |
2008-… |
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Taux moyen |
0,011 |
0,016 |
0,018 |
Euro 0 |
0,013 |
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Euro I |
0,011 |
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Euro II et III |
0,009 |
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Tableau 1. Taux de la redevance
sur le trafic poids lourds liée aux prestations
(en euro par tonne.kilomètre)
En 2008 au plus tard, un camion de 40 tonnes devra s’acquitter d’une redevance de 325 FS (214 €) en moyenne pour une traversée de la Suisse (de la France vers l’Italie, trajet Bâle – Chiasso, 370 km). Les camions particulièrement polluants paieront même 380 FS (250 €), soit 10 fois plus que ce qui est perçu actuellement pour un trajet en transit d’un camion de 28 tonnes.
Ces tarifs ont été calculés pour faire payer aux poids lourds leurs coûts externes. La valeur de 2,5 centimes suisses par tonne-kilomètre a été obtenue en divisant le montant actuellement connu des coûts externes (1,15 milliard de francs suisses, soit 780 M€) par l’estimation du nombre total de tonnes.kilomètres effectués par les poids lourds en Suisse (47 milliards de tonnes.kilomètres)(1). Les tarifs maximaux ont été négociés avec l’Union européenne.
En cas de fraude, l’amende est d’au moins 100 FS (66 €) et peut aller jusqu’à 5 fois le montant de la fraude.
Deux systèmes existent :
L'introduction de la RPLP et la hausse du poids maximal autorisé ont eu des effets sur la répartition des véhicules utilisés :
Ce changement de comportements s'est répercuté sur les ventes de véhicules. On
a constaté, un an avant l'introduction de la RPLP, un fort renouvellement du
parc des poids lourds. En effet, les ventes de poids lourds marchandises (i.e
de poids total de plus de 3,5 tonnes) ont augmenté de 45 %. Comme on pouvait
s'y attendre, cette augmentation est particulièrement marquée pour les plus de
26 tonnes, à cause de l'augmentation du poids total autorisé. En revanche les
ventes des véhicules de poids compris entre 3 et 3,5 tonnes n'ont pas augmenté
plus que les années précédentes.(3)
Il a été estimé que, grâce à cette taxe, le nombre de tonnes.kilomètres n’augmentera que de 3 à 5 % en 2015, ce qui représente une réduction de 29 à 33 % du nombre de véhicules.kilomètres par rapport à un scénario sans taxe(4).
L'utilisation des camions est plus efficace : le nombre des trajets à vide a nettement reculé et les taux de remplissage ont augmenté. En 2001 le volume du trafic routier de transit en tonnes.kilomètres a augmenté mais le nombre de véhicules.kilomètres a diminué. L'évolution de celui-ci est passé d'une augmentation de 6 % constatée en moyenne les années précédentes à une diminution de 3 % en 2001.(5)
La croissance des transports routiers à travers les Alpes, constatée depuis plusieurs années, a été freinée. Le Département fédéral suisse de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication dressait en juin 2002 un bilan très positif de la première année de fonctionnement du système.(6)
Ces réductions sont sans doute en partie dues à la hausse du poids maximal autorisé plutôt qu’à la taxe elle-même.
Pour l'instant, la diminution du trafic routier est davantage due à une meilleure efficacité de celui-ci (limitation des trajets à vide, meilleure utilisation des véhicules rendue possible par la hausse du poids maximal autorisé) qu'à un transfert vers le rail (même si un transfert modal modeste a sans doute eu lieu : le nombre de camions et celui de tonnes transportés par rail ont augmenté alors que le nombre de camions sur la route diminuait). Les chemins de fer fédéraux suisses estiment qu'un transfert modal durable n'aura sans doute lieu que plus tard, vers 2005, lorsque l'effet de la RPLP, suite à l'augmentation de son taux, compensera la productivité accrue du trafic routier. De même le DETEC estime que la RPLP ne pourra déployer pleinement ses effets en trafic de transit qu'avec les augmentations de tarif prévues pour 2005 et après l'ouverture du tunnel de base du Loetschberg en 2006/2007, marquant l'achèvement des infrastructures indispensables au transfert sur le rail.(7)
Pendant la première année d'opération, les revenus ont été d'environ 750 MFS
(près de 500 M€), comme le prévoyait la Confédération. Deux tiers de ces
revenus doivent servir à financer des investissements dans le système
ferroviaire (notamment la construction d’un nouveau tunnel à travers les
Alpes). Le troisième tiers est distribué aux cantons.
La Confédération attend de ce système des revenus annuels d'un milliard d’euros
en 2005.
L’OBU coûte 800 € par camion. Si on estime à 60.000 le nombre de camions qui vont s’équiper (52.000 Suisses et 8.000 étrangers), les OBU vont donc coûter au total 48 M€ par génération de véhicules. Les coûts de développement sont estimés à 25 M€, les coûts d’investissement à 80 M€ et les coûts d’opération à 16 M€ par an. Le coût total annuel de l’opération va donc s’élever à environ 35 M€, soit 3 à 4 % des revenus(8).
L’OBU est distribué gratuitement aux propriétaires de véhicules suisses ou étrangers jusqu’en 2004. Ceux-ci sont responsables de sa pose et en supportent les coûts.
En mars 2002, le bilan technique était positif. Les travaux visant à équiper les camions suisses d’appareils de saisie étaient achevés. Les véhicules étrangers ne sont pas encore nombreux à être équipés bien que les appareils soient disponibles en nombre suffisant ; plus de 80 % des chauffeurs étrangers paient avec des cartes de carburant, ce qui contribue de façon déterminante au déroulement rapide des opérations. Les OBU fonctionnent de manière fiable(9).
On peut noter que la Suisse est un pionnier dans le domaine et que sa flotte est petite. Les coûts seront sans doute plus faibles pour les autres pays qui suivront cette voie.
L’Allemagne et l’Autriche envisagent de mettre en place des systèmes
similaires. L’Allemagne a ainsi annoncé qu’allait introduire une taxe au
kilomètre (sur autoroute) pour les poids lourds de plus de 12 tonnes. Elle
pourrait être mise en place avant fin 2002. L’importance économique de
l’Allemagne donnera un poids à ce système.
Bibliographie sélective |
Dernière modification de ce document : 20/06/2003 |
(1) Krebs P., Balmer U. « Équitable et efficace - La redevance sur le trafic
des poids lourds lié aux prestations (RPLP) en Suisse », Service d'études des
transports, Département fédéral de l’environnement, des transports, de
l’énergie et de la communication, 2000.
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(2) DETEC (2002) « Rapport sur le transfert du trafic du 27 mars 2002
(rapport sur le transfert 2002) », Rapport du Conseil fédéral aux commissions
parlementaires.
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(3) INFRAS (2000) «
Variabilisation and Differentiation Strategies in Road Taxation », ECMT, Group
on transport and environment.
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(4) Krebs P., Balmer U. (2002) « Équitable et efficiente - La redevance sur
le trafic des poids lourds lié aux prestations (RPLP) en Suisse », Office
fédéral du développement territorial (ARE), Département fédéral de
l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC).
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(5) DETEC (2002) « Rapport sur le transfert du trafic du 27 mars 2002
(rapport sur le transfert 2002) », Rapport du Conseil fédéral aux commissions
parlementaires.
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(6) « Un an de RPLP: bilan », communiqué de presse du Département fédéral de
l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication en date du
26 juin 2002.
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(7) Communiqué de presse du 6 novembre 2001 du Département fédéral suisse de
l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication.
Disponible à l’adresse suivante :
http://www.uvek.admin.ch/gs_uvek/fr/dokumentation/medienmitteilungen/artikel/20011106/00814/index.html.
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(8) T&E (2000) « Comparative information on transport prices and
taxation across Europe », T&E.
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(9) Bilan effectué par le Département fédéral des finances suisse sur son
site Internet :
http://www.efd.admin.ch/f/dok/faktenblaetter/efd-schwerpunkte/309_lsva.htm.
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