L'âge de pierre des animaux

par Christine Sourd WWF-France
Chargée de mission "Conservation"


L'homme est expert dans l'utilisation et la fabrication d'outils. Il n'en a pas toujours été de même: l'âge de pierre débuta il y a deux millions d'années seulement. Certains animaux ne sont pas loin de nos tous premiers pas.

Les observations effectuées sur quelques espèces animales montrent que l'utilisation et la fabrication d'outils ne sont pas propres à l'homme. Cette aptitude, quand elle existe, se développe au contact des parents ou des autres congénères, se transmet d'une génération à l'autre, pour finalement devenir une caractéristique partagée par une plus grande population d'individus.

Marteaux, enclumes et piques pour manger

Certains pinsons-pics des Galapagos prennent dans leurs becs de longues épines de cactus, des tiges de feuilles ou de fines brindilles pour extraire les larves d'insectes des bois morts. Les grives écrasent sur une pierre les fines coquilles des escargots de jardin pour en extraire les corps mous. Quant au percnoptère d'Égypte (un vautour de petite taille), il projette avec persévérance des cailloux sur les oeufs d'autruche jusqu'à en casser la coquille. En matière d'ustensiles pour préparer les repas, les mammifères ne sont pas en reste. La loutre de mer, gourmande d'oursins, de coquillages et de crabes, a une technique bien à elle pour les décortiquer. Elle fait la planche sur le dos, pose un gros galet sur sa poitrine en guise d'enclume et, agrippant l'animal capturé avec ses pattes avant, le frappe vigoureusement pour le briser. Les singes capucins que l'on trouve en Amérique centrale et du sud se servent également de pierres pour briser les noix résistantes.

Le plus ingénieux: le chimpanzé

Si les orangs-outans se servent de grands bâtons comme cannes pour traverser une rivière peu profonde en position debout, ce sont les chimpanzés qui utilisent le plus large éventail d'outils. Ils sont capables de jeter des branches, telles des lances, contre un prédateur, d'utiliser des paquets de feuilles pour essuyer leur pelage souillé, d'écraser des noix entre deux morceaux de bois ou entre une pierre et un morceau de bois. Mais en plus d'user d'objets directement disponibles dans la nature, il leur arrive d'en fabriquer spécialement et de les réutiliser ou de leur trouver des usages vraiment étonnants. Un chimpanzé peut casser une branche d'arbre et l'écorcer, ou détacher la nervure principale d'une feuille, afin de s'en servir pour extraire les termites ou fourmis de leur nid. Avec un paquet de feuilles il peut également fabriquer une éponge végétale, avec laquelle il pompera l'eau dans un trou trop profond pour la boire directement à la bouche. Plier les arbustes puis les lâcher brusquement pour faire un bruit qui alertera les congénères de la présence d'un danger, utiliser des feuilles comme pansement sur des plaies ou comme couche isolante, telles sont encore quelques unes de ses inventions. Ces pratiques se diffusent lentement dans les groupes comme une véritable transmission culturelle, souvent à partir d'un seul animal qui en a fait l'invention. Mais qu'est-ce-qui en limite l'extension? L'absence de langage sans doute...