"Environnement Magazine" :
Alerte aux pesticides dans l'air

vu dans Le Monde

Remarque du Houx Vert: Très intéressante enquête de "Environnement Magazine". On peut parler de révélations. Dommage que le journaliste du Monde mette sur le même plan agriculture bio et agriculture raisonnée. Que d'illusions sur la "volonté de modération" des agriculteurs. Si certains veulent cultiver proprement, qu'ils adoptent le cahier des charges bio. Vouloir apparaître comme protecteurs de l'environnement sans se soumettre à ces contraintes, c'est une fois de plus nous raconter de belles histoires pour que tout continue comme avant.

Voir: RISQUES DE CANCER

L'ALERTE aux pesticides dans l'air est lancée par Environnement Magazine. Ce mensuel, reconnu pour son sérieux, a réalisé une enquête révélatrice : selon les conditions météorologiques, entre 25 % et 75 % des pesticides, en principe épandus chaque année sur les 18 millions d'hectares de cultures en France, se disperseraient en fait dans l'atmosphère.

" Le taux de volatilisation sur des sols humides peut atteindre les 90 % ", estime le mensuel. Aucune norme de concentration n'a été définie pour l'air. Mais, à titre de comparaison, les taux de pesticides retrouvés dans l'eau de pluie et les brouillards dépasseraient plusieurs dizaines de fois les quantités autorisées dans l'eau potable.

En 1997, une enquête de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), de Rennes, dévoilée par Le Monde (Le Monde du 15 janvier 1997) avait démontré la présence massive de pesticides dans l'air breton. "En se référant aux normes européennes existantes pour les eaux de boisson et aux paramètres descripteurs de la toxicité chronique sur la santé humaine, la situation mise à jour peut être jugée préoccupante, d'autant plus qu'on assiste à un enrichissement de la pluie en pesticides au passage des perturbations d'est en ouest sur la Bretagne ", estimaient alors les chercheurs.

Des études ont été menées depuis dans d'autres régions, dont Environnement Magazine révèle la même inquiétante teneur. Dans le Nord-Pas-de-Calais, les taux de diuron, un désherbant, seraient, dans l'eau de pluie, trente fois supérieurs et dans les brouillards cent fois supérieurs aux normes de l'eau potable. En Auvergne, des molécules de lindane, fenchlorfos et deltamétrine, pesticides utilisés dans les cultures céréalières, se retrouvent dans des bio-indicateurs de la qualité de l'air comme les lichens. Dans la région Centre, le constat est identique.

LONGUES DURÉES DE VIE

Des recherches, directement dans l'air, sont en cours d'expérimentation. Elles s'avèrent délicates, du fait de l'instabilité du milieu de référence. Mais les premiers résultats confirment et parfois même amplifient les chiffres obtenus sur les eaux de pluies, les brouillards ou les lichens. Ces travaux français corroborent ceux déjà menés dans d'autres pays européens, ainsi qu'aux Etats-Unis. Les produits phytosanitaires ont des durées de vie très longues, pouvant aller jusqu'à une quinzaine d'années. Dès lors, ils peuvent être transportés très loin de leur zone d'épandage. Une étude menée en 1993 a permis de retrouver des pesticides dans les eaux de pluie parisiennes, provenant sans doute des grandes plaines céréalières et betteravières placées dans l'axe des vents dominants. En Allemagne, a été détectée la présence d'un herbicide, l'atrazine, qui n'est pourtant pas utilisé sur le territoire de ce pays.

Des chercheurs ont démontré les effets néfastes pour l'environnement de ces pesticides stagnants dans l'atmosphère. Dans le Nord Pas-de-Calais, les papillons disparaissent à l'époque des traitements. De même, les pollens récupérés dans des ruches situées dans des zones d'agriculture intensive recèlent des pesticides, dans 90% des cas.

RISQUES DE CANCER

Des incidences graves ont également été constatées chez l'homme, insiste Environnement Magazine, qui évoque notamment la multiplication des risques de cancer. " Aux Etats-Unis, 99 % de la population stocke du DDT ou des dérivés de cet organochloré dans les tissus adipeux. Les concentrations de pesticides trouvées dans le lait humain dépassent parfois la dose journalière admissible pour le nourrisson. Selon l'INRA, on estime à un million par an le nombre d'intoxications accidentelles par pesticides dans le monde ", rapporte le mensuel qui relaye également une étude néerlandaise démontrant que la qualité des spermatozoïdes des professionnels de l'agriculture, l'arboriculture et l'horticulture, baisse de 50% à 75%.

Cette pollution est longtemps restée un sujet tabou pour la recherche française, qui a pris du retard dans ce domaine. D'ailleurs, aucun seuil admissible n'a, pour l'heure, été fixé. En revanche, l'agriculture biologique et l'agriculture raisonnée, prônant l'une l'abstinence, l'autre un usage modéré des pesticides, tentent d'apporter des solutions. "La chambre d'agriculture du Nord dénombre un tiers des pulvérisateurs hors d'usage et un tiers mal réglés ", constate cependant Environnement Magazine, qui estime qu'"une réelle remise en question de l'agriculture d'aujourd'hui doit être effectuée ".

"Je souhaite que des mesures soient faites sur les résidus de pesticides et d'herbicides", indique Jean-Félix Bernard, président du Conseil national de l'air (CNA), interrogé par Le Monde sur le sujet. Ce militant Vert se bat pour que ces produits soient intégrés dans la liste des polluants détectés par les stations de surveillance de la qualité de l'air, installées dans et aux abords des grandes agglomérations. Afin que soit enfin mesuré l'impact de cette pollution des champs sur les populations des villes.

B. H.

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