Vendredi 5 mai 2000, 14h19 (Information toujours valide )

La France confrontée à la gestion de ses déchets nucléaires
par Jean-Michel Bélot PARIS (Reuters)

La France, dont 80% de l'électricité est d'origine nucléaire, est confrontée à l'épineuse question du stockage de ses déchets radioactifs pour laquelle aucune solution définitive n'a été trouvée à ce jour. Les 22 centrales nucléaires françaises - l'un des parcs les plus importants au monde - produisent environ 1.200 tonnes de déchets par an dont les deux-tiers sont retraités pour servir de nouveau de combustible, selon l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN).

Le Parlement a donné aux experts nucléaires jusqu'à 2006 - soit 15 ans après l'adoption en 1991 d'une loi sur la gestion des déchets radioactifs - pour présenter l'état de leurs recherches sur le stockage des déchets les plus toxiques. "Les déchets sont actuellement simplement entreposés et il va falloir mettre en place des systèmes d'élimination", a déclaré vendredi à la presse Olivier Brigaud, responsable de la recherche sur les déchets de l'ASN, pour qui cette question représente un véritable "enjeu de société".

La France stocke ses déchets sur son propre territoire mais refuse d'enfouir chez elle les éléments radioactifs étrangers. Le problème se concentre essentiellement sur le stockage des déchets à haute activité et à vie longue - plus de 30 ans, mais dans certains cas plusieurs centaines voire plusieurs milliers d'années. Les experts du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et de l'agence pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) ont été priés par les pouvoirs publics de plancher à la fois sur le stockage définitif dans le sol des déchets toxiques et sur leur élimination pure et simple par "séparation et transmutation". Cette dernière solution, évidemment plus satisfaisante pour l'esprit, est de loin la moins avancée mais les études sur le stockage ont elles-mêmes pris beaucoup de retard. "Même si aucune solution industrielle n'est encore en vue, des progrès réels ont été enregistrés après une période sans grands résultats", estime André-Claude Lacoste, directeur de la sûreté des installations nucléaires (DSIN).

En attendant de trouver une solution miracle pour rendre inoffensifs les déchets, les recherches se poursuivent pour trouver des solutions de stockage sûres et définitives. Le gouvernement français vient seulement d'autoriser en août 1999 la création à Bure (Meuse) d'un laboratoire pour étudier le stockage définitif des déchets dans les couches argileuses du sol. Une décision qui a suscité de nombreuses polémiques, la population et certains élus locaux redoutant que celui-ci ne soit le cheval de Troie d'un futur site de stockage.

DES QUANTITÉS DE DÉCHETS DIFFICILES À ESTIMER

Un autre laboratoire, qui pourrait étudier l'enfouissement dans les sols granitiques, est envisagé. Le coût de ce type de laboratoires est estimé à environ 1,5 milliard de FF. La question du stockage est encore compliquée par l'évaluation des matières nucléaires dites dangereuses, et en particulier pour celle des futurs déchets. Ces estimations - nécessaires pour prévoir les capacités de stockage à créer - sont à tel point divergentes que le gouvernement a demandé à l'Andra des méthodes d'inventaire plus fiables. L'Andra estime actuellement à 40.000 tonnes environ le total de combustible à décharger des centrales gérées par EDF lors de leur démantèlement. Les déchets hautement actifs sont évalués par l'Autorité de sûreté à 3.500 m3, auxquels il faut ajouter 15.000 tonnes de combustibles usés non recyclés. Un rapport parlementaire publié en mars dernier par la député PS de la Drôme Michèle Rivasi dénonçait le caractère désordonné de la gestion des déchets nucléaires en France, qui se traduit selon elle par des coûts croissants. Elle relevait notamment que le CEA avait presque doublé (de 16,7 milliards de francs à 30,6 milliards) le montant des charges futures qu'il devra assumer pour gérer ses déchets.