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ALERTE AUX GALAPAGOS

 

En janvier 2001, les côtes des Galàpagos étaient touchées par une marée noire, perturbant encore un peu plus un écosystème déjà menacé de toutes parts. État des lieux par Marie‑Véronique Ninassi,  chargée de mission "Espèces" au WWF‑France.

Sur lesTraces du Panda:  Cette marée noire présentait-elle un risque écologique majeur ?

Marie‑Véronique Ninassi :
L'archipel des Galápagos accueille plus de 5 000 espèces dont près de 40 % ne vivent que sur, ces îles. Ce sont ce qu'on appelle des espèces endémiques. C'est le cas par exemple du manchot des Galápagos, qui a déjà beaucoup souffert du phénomène El Niño en 1997-1998, ou encore de l'iguane marin, seul reptile au monde à se nourrir d'algues. Si l'une de ces espèces uniques au monde venait à disparaître des Galápagos, elle disparaîtrait à tout jamais de la Terre. C'est pour préserver cette diversité biologique tout à fait exceptionnelle que le WWF travaille depuis 40 ans à la protection de cet archipel.

STP:  Est-ce que cette marée noire menace toujours l'archipel ?

MVN:  Grâce à une météo clémente, le pire a pu être évité. Les nappes, repoussées au large par les vents, ont fini par s'évaporer car il s'agissait de gasoil assez volatile. Néanmoins, trois îles ont été partiellement touchées, mais les centaines de volontaires venus prêter main forte ont permis de minimiser les dégâts de cette catastrophe. Une étude d'impact est en cours pour évaluer les conséquences à moyen terme de cette pollution. Il faut tout faire pour éviter que ce type d'accident ne se reproduise, car nous n'aurons peut-être pas toujours la météo avec nous. Malheureusement, d'autres menaces pèsent sur cet archipel extraordinaire. Et cet accident a été révélateur: il démontre que l'archipel n'était pas équipé ni en matériel, ni en hommes formés pour réagir à ce type de catastrophe.

STP:  Quelles sont les autres menaces?

MVN:  Citons tout d'abord la pression touristique, chaque année de plus en plus forte. Alors que moins de 20 000 touristes par an visitaient les Galápagos au début des années 80, ils étaient 40 000 au début des années 90, puis 70000 en 1999! Il est urgent de freiner cette croissance galopante. En effet, même si les touristes ont été jusqu'à présent bien canalisés sur les sentiers et que seules certaines îles sont accessibles, n'oublions pas que tout ce monde consomme de l'eau potable (acheminée par bateau) et produit des déchets. Le pétrole qui s'est échoué au mois de janvier sur les plages des Galápagos était destiné à l'approvisionnement de la flotte touristique qui compte une centaine de bateaux. Multiplier la fréquentation touristique, c'est multiplier le risque de marée noire...

STP:  Donc le nombre de touristes augmente,  mais qu'en est-il de la population locale?

MVN: Les revenus du tourisme et de la pêche attirent de nombreux équatoriens du continent qui viennent chercher aux Galápagos un travail et un meilleur niveau de vie. Ainsi, la population est passée de 6000 en 1982 à 16 000 en 1996. Or, cet afflux ne s'est pas accompagné des mesures pratiques et réglementaires nécessaires pour minimiser leur impact sur un environnement très fragile. Tous les ans, 2375 tonnes de déchets sont collectées dans la ville principale, Puerto Ayora, et laissés dans une décharge à ciel ouvert sans aucun tri à quelques kilomètres de la ville, à proximité des principaux captages d'eau potable. Il est urgent que le gouvernement mette en place des règles pour stopper cet afflux, d'ailleurs  80 %  des habitants des Galápagos sont favorables à l'arrêt de cette immigration.

STP:  N'y a-t-il pas aussi un problème de surpêche ?

MVN:  Tout à fait. Les eaux de cette région sont très poissonneuses et exacerbent la cupidité des pêcheurs industriels, surtout japonais. On observe des incursions régulières de bateaux qui viennent pêcher illégalement des espèces telles que les requins qui alimentent le marché asiatique. La pêche locale est aussi très préoccupante. En effet, le nombre de pêcheurs locaux est passé de moins de 200 en 1971 à près de 800 en1999. Résultat: concernant la langouste, alors que l'effort de pêche ne cesse d'augmenter, les prises, ainsi que la taille des animaux pêchés, sont en diminution significative! Autre espèce en danger: le concombre de mer qui est pêché aux Galápagos depuis peu, en fait depuis que les stocks des côtes équatoriennes ont été totalement épuisés. C'est pourquoi les experts du réseau TRAFFIC - le programme de surveillance du commerce des espèces sauvages du WWF - recommandent une gestion durable des ressources naturelles et la mise en place de quotas. Mais les pêcheurs sont très hostiles et n'hésitent pas, pour faire pression, à prendre en otage les fameuses tortues géantes. Le recours à la violence à l'encontre des agents du Parc National et des associations de protection de la nature est fréquent. Par le passé le gouvernement équatorien a cédé à ce type d'exaction, mais cette année TRAFFIC et le WWF ont encouragé les autorités à tenir bon.

STP:  Comme dans toutes les îles, l'introduction d'espèces ne constitue-t-elle pas aussi une menace?

MVN:  Bien sûr. Jusqu'à l'arrivée de l'homme, la faune et la flore des Galápagos étaient restées intactes pendant des milliers d'années. L'introduction d'espèces étrangères par l'homme sur les îles menace cet équilibre. Les rats, les chiens et les chats abandonnés détruisent les oeufs des reptiles et des oiseaux. Les chèvres et les ânes en liberté se nourrissent des même plantes que les tortues géantes et deviennent des concurrents redoutables. Enfin, les porcs font des razzias impressionnantes sur les jeunes tortues marines au moment de l'éclosion.

STP:  Quelles sont les solutions pour contrecarrer ces menaces?

MVN: Appliquer la loi! Une loi dite "Loi spéciale pour la conservation et le développement durable de la province  des Galápagos" a été votée en mars 1998 par le parlement équatorien. Elle concerne la création d'une zone marine protégée (sur un rayon de 64 km autour de l'archipel, soit 140 000 km² où la pêche industrielle serait exclue, et prévoit des restrictions au tourisme et à l'immigration. Mais les aménagements nécessaires à cette loi spéciale n'ont jamais été pris et les décrets d'application ne sont toujours pas publiés! Suite à la marée noire, le WWF a donc demandé au gouvernement équatorien d'appliquer en urgence cette loi, restée lettre morte, et a offert son aide technique. Pour cela, il a besoin de votre soutien pour sauvegarder ce patrimoine mondial de l'humanité. Ne rien faire aujourd'hui, ce serait un peu comme laisser disparaître le Louvre en fumée dans un incendie, sans donner aux pompiers les moyens d'intervenir.