UN OURSON EST NE
Propos recueillis
par Catherine Perrin,
Rédactrice en chef de "Sur les traces du Panda"
Fin août 2000, des observateurs du réseau de suivi de l'ours ont annoncé qu'un ourson était né dans le Béarn l'hiver précédent. L'occasion pour nous de faire le point sur le dossier de l'ours en Pyrénées avec MarieVéronique Ninassi, chargée de mission "Espèces" au WWFFrance.
Sur les Traces du Panda: Comment avezvous accueilli cette nouvelle? MarieVéronique Ninassi: C'est vraiment une belle récompense! Le WWF et le FIEP (Fonds d'Intervention Eco-Pastoral) travaillent depuis de nombreuses années pour protéger l'ours des Pyrénées. La dernière naissance dans la population occidentale remontait à deux ans. Ce nouvel ourson prouve que les Pyrénées permettent bel et bien à l'ours de vivre et de se reproduire. Poursuivons nos efforts pour que l'ours reste le symbole vivant des Pyrénées!
STP:
Pensez-vous que les éleveurs béarnais se réjouissent a" de cette naissance?
M.-VN.: Nous l'espérons! Nous sommes tout à fait
conscients que la présence de l'ours entraîne des contraintes pour certaines
activités. Les bergers sont les premiers concernés, c'est pourquoi nos actions
ont pour but de rendre possible la cohabitation entre eux et l'ours. Nous avons
ainsi financé en 1992 des radiotéléphones afin que les bergers ne soient plus
isolés. Ils peuvent désormais contacter les secours en cas d'urgence, appeler
lé vétérinaire en cas de dommage au troupeau ou simplement rester en contact
avec leur famille pendant les longs mois d'estive. Cette action sera reconduite
cette année grâce à nos généreux donateurs.
STP:
La présence de l'ours serait-elle donc plutôt positive pour les éleveurs?
M.-VN.: En quelque sorte. Elle a été à l'origine
de la signature d'une charte de développement des vallées béarnaises et de protection
de l'ours entre les élus et l'État, qui a permis entre 1995 et 2000 la rénovation
de 21 fromageries d'alpage en zones à ours. Par ailleurs, les éleveurs ont créé,
en collaboration avec le WWF, la marque Pé Descaous ("va-nupieds" en béarnais,
surnom donné à l'ours). L'ennemi d'hier est devenu aujourd'hui le label d'une
production traditionnelle de qualité.
STP:
En Béarn, les ours n'attaquent-ils plus les troupeaux?
M.-VN.: Cela arrive, mais c'est rare. L'ours est
omnivore et ne dédaigne pas manger un peu de viande, surtout lorsqu'elle est
facilement accessible. Avec l'évolution récente de l'élevage de montagne et
l'exode rural, le berger a disparu de nombreuses régions. Beaucoup de troupeaux
sont désormais en pacage libre, ce qui évidemment ne peut que tenter l'ours.
C'est le cas dans les Pyrénées centrales, d'où certains conflits. Dans les Pyrénées
béarnaises, par contre, les pratiques pastorales n'ont pas changé. On fait de
l'élevag laitier: les brebis sont donc rassemblées tous les soirs en bergerie
pour la traite Dans cette région, où la population d'ours a certes régressé
mais n'a jamais disparu, le gardiennage est resté un élément de la culture pastorale.
Ainsi, les bergers sont accompagnés de chiens de protection. De plus, les troupeaux
sont protégés, la nuit, par une double barrière électrique. Résultat: depuis
30 ans chaque ours a enlevé moins de quatre brebis par an. Cela prouve qu'avec
des pratiques agricoles adaptées, les dégâts aux troupeaux peuvent être considérablement
réduits.
STP:
Êtes-vous Optimiste pour l'avenir de l'ours?
M.-VN.: Je garde espoir, à condition de procéder
rapidement à un renforcement de la population occidentale des Pyrénées. En effet,
celle-ci ne compte que cinq ou sept individus dont une seule femelle en âge
de se reproduire. Les spécialistes estiment que cette population est condamnée
à s'éteindre si on ne relâche pas quelques ourses d'Europe dans les prochaines
années.
STP:
Et en ce qui concerne les ours des Pyrénées centrales?
M.-VN.: Le noyau des Pyrénées centrales est aujourd'hui
éclaté: un individu a atteint les Pyrénées orientales alors qu'un autre, repéré
dans le Parc National des Pyrénées, est en passe de rejoindre la population
occidentale. Il vaut mieux donc parler des ours des Pyrénées dans leur ensemble.
Alors qu'en 1950 il restait 70 ours, aujourd'hui ils ne sont plus que 12. Ayons
pour objectif 20 ours en 2010 et réfléchissons donc au renforcement, le problème
étant de savoir où. En effet, si l'habitat est propice sur l'ensemble des Pyrénées,
en Haut-Béarn le type d'élevage et les bergers semblent plus favorables aux
lâchers d'ours qu'en Pyrénées centrales. A l'inverse, en Pyrénées centrales
ce sont les élus qui semblent plus favorables, et la négociation des sites Natura
2000 est achevée alors qu'elle recommence à peine en Béarn. Quel que soit l'endroit
où se fera le renforcement de la population d'ours, Natura 2000 et le soutien
de la population locale sont pour nous deux prérequis incontournables.
STP:
Que faire pour vous aider?
M.-VN.: Nous remercions les donateurs pour leur
soutien financier. Grâce à eux nous avons pu réaliser des actions concrètes
pour la survie de l'ours et sa cohabitation avec l'homme. Nous avons encore
besoin de leur aide pour prouver que la cohabitation avec l'ours est non seulement
possible mais qu'elle est même positive pour les éleveurs. En Béarn il faut
que les élus et l'État reprennent les négociations pour intégrer au futur réseau
Natura 2000 les sites vitaux pour l'ours et fixent ensemble un calendrier pour
le renforcement.