page d'accueil

La pêche, ressource durable?
Une information du WWF

Crise mondiale de la pêche

C'est au cours du 20° siècle que l'équilibre entre la nature et les entreprises de l'homme s'est rompu, sous l'effet des progrès technologiques, de la croissance démographique... et de l'appât du gain. Ultime représentant d'une culture de chasse et de cueillette qui ne se soucie guère de la survie des espèces qu'elle exploite, le pêcheur au chalut est devenu le dernier chasseur qui traque le dernier bison.

Nous devons trouver des solutions nouvelles à la surpêche, pour des raisons humaines évidentes. Tout d'abord, cette situation crée des conflits. Tous les océans sont aujourd'hui le théâtre de "guerres du poisson" dans les eaux internationales contestées, autour des États-Unis, du Canada et de la Norvège, comme en mer d'Irlande et au large de la Namibie. Les droits de propriété sur presque toutes les espèces commerciales pêchées dans les eaux internationales: flétan du Groenland, sardine, merlu, morue, espadon, saumon sont partout sources de litiges. Ensuite, l'alimentation de l'humanité entière est en jeu. Le poisson est la principale source de protéines pour un milliard de personnes dans les pays en développement et il fournit les deux cinquièmes des protéines consommées par l'ensemble des populations du tiers-monde.Pourtant, le déclin des stocks de poisson intervient au moment même où l'on prévoit le doublement de la population mondiale au cours du siècle prochain.

Des techniques destructrices

Les méthodes actuelles de pêche ont décimé certaines espèces de poissons très prisées. Le thon rouge, un poisson remarquable dont la taille peut augmenter de 50 centimètres dans sa première année, est l'une de ces espèces désormais menacées. Mais la technologie met en péril également d'autres espèces. régulièrement prises mais non désirées dans les filets des pêcheurs. Les filets dérivants utilisés dans le Pacifique et la Méditerranée ont ravagé les populations de tortues de mer, d'oiseaux, de dauphins et de marsouins sans parler des requins. (La longueur maximale légale de ces filets a été ramenée de 80 kilomètres à trois kilomètres environ). Mais il y a des effets plus insidieux. Dans certaines régions, la pêche est en train d'anéantir la productivité des mers. On a constaté que les chaluts de fond détruisent les espèces qui nourrissent les poissons. Des chercheurs hollandais ont montré que, pour prendre 500 grammes de sole commercialisables, les chalutiers de la mer du Nord tuent plus de sept kilos de petits poissons et autres animaux.

Poulets nourris au poisson

Un autre grand facteur de perturbation des écosystèmes marins est la pêche dite "industrielle", qui représente 30% des prises mondiales. Les prises "industrielles" sont composées de petits poissons non consommables: lançons, tacauds ou capelans par exemple, qui sont transformés en farine pour l'alimentation des volailles, des porcs, des poissons d'élevage (saumons et truites notamment) et des crevettes d'élevage. Du coup, des poissons comme la morue sont privés de leur nourriture, de même que les autres espèces qui font partie de l'écosystème marin: mammifères marins, oiseaux de mer, saumon, truite de mer... Les prélèvements de la pêche " industrielle " nuisent incontestablement aux espèces consommables: les stocks de morues en mer de Barents se sont effondrés suite à la disparition des capelans dont elles se nourrissaient.

La volonté politique fait défaut

Les réserves naturelles et les parcs nationaux existent depuis plus de cent ans pour les écosystèmes terrestres, mais rien de tel n'a été conçu pour les océans. Il est évident que les poissons et la faune et la flore marines dont ils dépendent ont aussi besoin de zones de protection. Celles-ci non seulement seraient des réservoirs de diversité biologique, mais encore serviraient de zones "témoins" contribuant à réduire les effets de la surexploitation des mers. Ensuite, il faut généraliser les pratiques de pêche respectueuses des équilibres naturels. Dans les années 70, les stocks de harengs en mer du Nord ont pu être sauvés par l'interdiction totale de la pêche (et il n'est pas exclu qu'une nouvelle interdiction soit nécessaire pour protéger les stocks reconstitués). De même, les populations de morues et de capelans en mer de Barents se sont reconstituées grâce aux mesures draconiennes imposées par la Norvège à ses propres pêcheurs et à d'autres restrictions appliquées aux flottes étrangères pêchant dans ses eaux territoriales.

Enfin, il reste beaucoup à faire pour réduire le gaspillage. On estime que la quantité de poissons rejetée en mer par les pêcheries commerciales atteint 27 millions de tonnes par an. Une partie de ces poissons serait pourtant utilisable, soit pour la consommation, soit pour remplacer le poisson "industriel". De nombreuses améliorations techniques du matériel de pêche sont possibles de façon à capturer moins de poissons juvéniles et à permettre aux espèces non commerciales de s'échapper. Si nous voulons continuer à profiter de la richesse prodigieuse des mers dans le siècle à venir, nous savons ce qu'il faut faire. Mais en 1996, dans un rapport sur la crise de la pêche, la Chambre des Lords du Royaume-Uni a identifié l'obstacle principal: le manque de volonté politique. ·

REMARQUE DU HOUX VERT

Quand les consommateurs achètent des poulets ou des œufs bio, qui sont produits sans farine de poisson, non seulement ils disposent d'une nourriture de meilleure qualité, mais encore ils évitent de contribuer au pillage des océans.